L’Utopie et le Plan pour y arriver (partie 1)

« Plans de Réalisation de la Société Future » essai de Stephen Bergeret sous titré également La Révolution dans l’Ordre dans la Paix par la Loi  m’a inspiré cet article où je vais vous proposer une relecture en plusieurs parties

Cet essai de 1912 propose une utopie collectiviste. Mais la réalisation de cet Utopie se veut sans violence, et donc par la Loi
Une analyse minutieuse de la société du début du siècle à la « veille » de la première guerre mondiale accompagne donc ce plan…

Conscient des nombreuses divisions au sein du socialisme (la SFIO a 7 ans) l’auteur préconise que chacun agisse de son côté, en se regroupant par affinités : les réformistes avec les réformistes, les révolutionnaires avec les révolutionnaires (…) les verts, jaunes, roses, rouges chacun avec son autonomie mais contractant le plus souvent possible des ententes

A chaque jour sa tache, à chaque époque son oeuvre, lentement, mais avec certitude, …

Un certain optimisme conclut l’essai considérant que d’autres ont accompli beaucoup par le passé dans des conditions plus difficiles… Un optimisme qui contraste avec une introduction où l’auteur critique les auteurs socialistes.

Il considère que si tous propose une Utopie socialiste, souvent similaire, beaucoup n’arrive pas à déterminer le plan de réalisation de cet Utopie. Il constate également un différent sur 2 utopies différentes :« … sur le but lui même il y a confusion entre 2 systèmes : collectivisme et communisme, l’un autoritaire l’autre libertaire »  

Une confusion que l’on retrouve encore aujourd’hui au sein de la gauche et des partis français ?

On comprend que son auteur, pourtant radical dans ses propositions, se veut « réformiste » adepte du « pas à pas » car ayant conscience que la révolution qu’il propose ne peut se faire que par étape, respect et compréhension des réalités sociales, et donc dans la non violence…

Pour lui cette révolution sera lente mais devra tenir compte des nombreuses imperfections humaines ce qui le conduit à souhaiter, dans l’ensemble de cet essai, un respect de l’ordre et de l’autorité…

Voici donc un résumé de la première partie de cet essai à lire absolument :

ANALYSE SOCIALE

 

1) Problème à résoudre

« Trouver les moyens de donner à chaque individu le maximum de bien être matériel, de bonheur moral compatible avec le milieu où il se trouve et l’époque à laquelle il existe »

L’auteur après ces lignes revient sur les impacts des progrès techniques qui ont accompagné  l’histoire « récente » : machine à vapeur remplacé peu à peu par l’électricité, amélioration des transports, des moyens de communication (…)

« La concurrence qui a eu sa raison d’être comme stimulant devient aujourd’hui une plaie sociale… » 

Une Plaie qui touche les petits commerçants et artisans dont il rappellera les maux à plusieurs reprises.

De leurs côtés les ouvriers veulent à présent s’emparaient de leurs moyens de production…
Mais pour l’auteur :

« … il faut que progressivement ils abolissent salariat et patronat et les remplacent par le collaborariat »  

Et de conclure comme propositions simples :
Collectiviser » les moyens de production mais aussi municipalisation et monopolisation des moyens de transports et d’échanges

 

2) Le Corps Social 

Après avoir rappelé qu’il existe 2 classes : les capitalistes et les travailleurs l’auteur critique :

« L’erreur des écrivains socialistes consiste à représenter les deux classes de la société actuelle comme 2 éléments unifiés et irréductiblement séparé l’un de l’autre » 

avant de préciser sa pensée : « … quelle soit la classe dont ils font partie, (les êtres humains) ont leurs faiblesses, qu’ils ne sont pas meilleurs dans celle du sommet que dans celle de la base » 

L’auteur, qui ne croit pas vraiment à la lutte des classes, ne jette donc la pierre ni aux uns ni aux autres avant de considérer toutefois qu’il existe une fraction de la « classe des travailleurs » qu’on pourrait qualifier de « classe moyenne »
Une classe qu’il considère comme « égoiste et indifférente » (peu réceptif au syndicalisme et au socialisme et à la misère des autres…) avant de décrire une fois de plus les nombreuses difficultés auxquels petits artisans, commerçants ou propriétaires sont confrontés.

L’auteur est donc critique envers l’ensemble des classes mais n’en considère aucune comme « supérieur » chacune ayant ses acquis et ses  problèmes mais également sa part de responsabilités dans la situation actuelle…

Ce chapitre se conclut finalement par une critique de l’anarchisme régnant parmi les latins (Espagne, Italie, France…) trop inorganisées par rapport aux organisations ouvrières des peuples germains ou anglo saxons.

« On  gémit sur son sort, on maudit tous les gouvernements qui se succèdent mais on laisse le temps s’écouler dans un statu quo mortel »

« Chacun agit dans son propre interet au détriment des autres, on fait des dettes, on cherche des recommandations, on accepte des pots de vie, on quamande des décorations… »

Avant d’ajouter, optimiste :

« L’avenir sera ce que nous le ferons, le moment est venu de passer des paroles aux actes, l’heure des phrases ronflantes n’est plus… »

 

3) Décomposition Morale

L’auteur rappelle que la 3 ème République a beaucoup accompli et qu’il faut s’en souvenir plutôt que de vouloir l’abandonner.

Il reproduit ainsi un texte de Gustave Hervé revenant sur le bilan des précédents gouvernements : liberté de la presse, droit de réunion et d’association, laicité (…)
(Gustave Hervé personnage compliqué tombera + tard dans le fascisme passant d’ultra pacifisme à ultra patriotisme, fervent partisan de Pétain… avant d’être toutefois un des rares sympathisants des nazis à être très critique envers l’antisémitisme de Hitler)

Stephen Bergeret ajoute que beaucoup trop d’anarchistes et révolutionnaires sont en réalité des ambitieux voulant avant tout le pouvoir et que tous avouent ne pas avoir l’organisation nécessaire pour remplacer efficacement la classe qu’ils veulent voir éliminer tombant alors dans la facilité de la guerre civile et la haine entre citoyens d’un même pays…

Il critique ensuite l’antiparlementarisme actuel avant d’en décrire les causes multiples liées aux égoismes et à la démagogie de certains hommes politiques…

Puis il fait un tour très complet d’une société française « décadente »
Rien est alors épargné dans cette critique globale y compris

– sur les colonies, comme un présage à la 1ere Guerre Mondiale
« La rivalité particulière de l’Angleterre et de l’Allemagne nous conduit par ricochet à des hostilités prochaines » (…) « elles deviennent la chose à exploiter de toutes les façons en y joignant souvent de la barbarie à l’égard des indigènes »

– sur la presse, présages là encore
« La place la plus étendue, à part celle des réclames, est réservée aux faits divers (…) On étale, on exagère les faits, (…) 
« La Grande presse détourne l’attention du peuple en s’étendant longuement sur des fugues, des histoires d’alcove, des crimes… »

– sur les tendances politiques existants en 1912, comme sur le syndicalisme, aucun parti n’est épargné et surtout pas les partis socialistes dont il se demande bien pourquoi ils se qualifient d’unifiés alors qu’ils devraient accepter, provisoirement, leurs différents bien plus clairement

« il y a dans le socialisme français deux courants : le réformiste et le révolutionnaire, donc 2 méthodes : la pénétration et l’opposition. »

L’auteur choisit clairement la méthode « réformiste » mais « autoritaire » de la « pénétration » en se montrant particulièrement critique envers ceux qui beaucoup trop révolutionnaire semble prendre en otage le socialisme mais aussi le syndicalisme… préférant selon lui la facilité de l’opposition voir de la révolte…

 

4) Emancipation Intégrale 

Dans ce chapitre on voit clairement plusieurs propositions politiques :

« Dès qu’une femme saura qu’elle va être mère une allocation lui sera versée pendant la période matriarcale afin qu’elle puisse dans le repos attendre le futur citoyen » 

L’auteur ne veut pas abolir l’article 317 condamnant l’avortement considérant que cette allocation résoudrait en partie ces avortements…
Suit une description de la vie idéale de l’enfant ainsi né (l’allocation continue d’être versée, parcours scolaire; …)

L’auteur revient ensuite sur la notion de Liberté et pour lui le travail ne rend pas libre, bien au contraire…

La diminution du temps de travail pointe son nez :

« Les heures de travail diminueront d’abord d’une heure par jour puis de deux puis de trois… progressivement à mesure que les sciences physiques et chimiques, appliquées à l’industrie et à l’agriculture se multiplieront, se perfectionneront »

Reprenant l’économiste autrichien Hertzka (…) deux heures douze minutes de travail par jour, avec trois cents journée de travail » suffiraient à satisfaire tous les désirs de la nation…

Et de conclure qu’ainsi libérer au maximum du travail les citoyens pourraient se « recreer et s’instruire »  , avoir des loisirs et participer à la vie politique…

 

Prochain partie : 

ORGANISATION RATIONNELLE