Comment 2004 a pu entrainer 2005 puis 2007 ?

Ce n’est bien sur que mon avis, mais à relire 2 pertinents articles de Alain Lipietz , je pense que les résultats des élections européennes de 2004 (et surtout leur suite : alliance PSE PPE, choix de Barroso…) ont en partie entrainé le Non au TCE puis la défaite de la gauche face à Sarkozy en 2007. Et cela malgré l’excellent score du PS en 2004 (et le mauvais de l’UMP).
Quelques temps après les résultats de 2004 Alain Lipietz écrivait l’Europe des Dupes texte bourré de prévisions pertinentes. Puis en 2005 venait « Si le Oui l’emporte, si le Non l’emporte » là encore avec certaines prévisions vérifiées depuis (quoi qu’on pense de ses arguments pro Oui, et qu’on ait voté Oui ou Non en 2005)

Personnellement je serai donc très attentif quand à ce qui se passera après le 7 juin, c’est à dire dans un mois. L’attitude de chacun (PS notamment) déterminera beaucoup de choses…

Retour en 2004 :

il n’aura pas fallu plus de quatre jours pour que volent en éclats les illusions sur la valeur du vote du 13 juin. Comme si élus et gouvernements avaient voulu donner raison aux abstentionnistes !

Un noyau social et fédéraliste (le PS européen et le Parti vert européen) aurait recherché des alliances pour diriger les travaux du Parlement européen et faire avancer ses objectifs. Des alliés, il en aurait trouvé et vers sa gauche (la Gauche unie européenne), sociale mais non fédéraliste, et vers le centre, fédéraliste mais pas forcément social

Dès le mercredi 16 juin au soir, le groupe des Verts et le groupe centriste acquiesçaient à un tel schéma et proposaient un ticket « Rocard-Geremek » pour la présidence du Parlement. Eh bien, non ! Dans la nuit, le PSE décidait de partager la présidence et les postes avec la droite (le Parti populaire européen), proposant pour la présidence un socialiste (initialement un blairiste, puis l’Espagnol Josep Borell) et, à partir de 2007, le leader de la droite allemande, Hans-Gert Poettering.

D’un coup, tout leur argumentaire électoral s’écroulait. « Et maintenant, l’Europe sociale », disaient-ils… et, sitôt élus, voici qu’ils refusaient l’alliance de centre gauche pour accepter l’alliance « technique » avec la droite !

Quand le PSE préfère le PPE…

Puis quand le futur TCE vient au menu :

La deuxième partie de la semaine, le Conseil des chefs d’Etat et des gouvernements allait remettre les pendules à l’heure. Ce fameux projet de Constitution, que la droite, alors toute-puissante, avait rejeté en décembre 2003, pouvait-il cette fois être adopté, maintenant que l’Espagne avait basculé à gauche ? Eh bien, non. Le projet conçu par la Convention était encore bien trop à gauche pour… les socialistes anglais !

Le résultat obtenu dans la nuit du vendredi 18 juin place tous les Européens devant un problème tactique quasi insoluble. Le projet révisé reste meilleur que ce qui actuellement tient lieu de Constitution à l’Europe : le calamiteux traité de Nice

Puis arriva Barroso :

Pire : deux semaines plus tard, ces gouvernements européens, socialistes ou de droite, s’accordent pour confier la présidence de la Commission (l’exécutif de l’Union) à l’ultralibéral Durão Barroso, amphitryon du sommet des Açores où, entre Bush, Blair et Aznar, se décida l’invasion de l’Irak. Et, d’après Hans-Gert Poettering, ce choix ferait partie du même « deal » que celui pour la présidence du Parlement !

Faudra-t-il alors voter « Non au projet-croupion », pour en élaborer un autre, ou « Oui, parce que c’est déjà mieux que Nice » ? On le saura dans quelques mois. Le critère sera clair : si, en cas de blocage (par des majorités de « non » dans certains pays), existe la possibilité de renégocier un bien meilleur traité que le traité proposé, alors il faudra voter non. Sinon, mieux vaudra prendre ce « petit » traité qu’en rester à Nice.

Puis vint 2005

2005 : je passerai sur les « Si le Oui l’emporte » : puisque le Oui n’a pas gagné inutile de fantasmer, car tout ne se serait pas passé forcément ainsi, d’autant plus avec une Commission Barroso et une alliance PPE PSE déjà en place…

Un point est cependant interessant (car plus ou moins possible sous Traité de Lisbonne selon certains) :
Comme les députés européens l’ont voté, dès le 12 janvier dernier, sur amendement des Verts, ils présenteront immédiatement un premier amendement au TCE. Le traité leur donne en effet le droit d’initiative constitutionnelle. Bien entendu, il n’y a aucune unanimité, dans notre Parlement, sur ce que sera cet amendement. Les Verts, et sans doute toute la gauche, se focaliseront sur les quelques verrous qui entretiennent encore le dumping écologique, social et fiscal : l’unanimité en matière de minima fiscaux et sur 4 chapitres des minima sociaux (article 210-3), le statut et les objectifs de la Banque centrale, l’unanimité sur les écotaxes … Premier rendez-vous : la « Convention d’initiative sur le premier amendement » convoquée dès le 27 juin 2005 par un certain nombre de forces progressistes européennes.

Passons plutôt aux prévisions « si le Non l’emporte » (vérifié depuis) :

Il est probable que ce Non français libèrera encore d’autres Non

Que se passera-t-il alors ? Juridiquement, aucun problème : le traité de Nice continuera de s’appliquer. Le pronostic le plus probable est qu’il s’appliquera même encore longtemps. Probablement, la crise diplomatique entre les pays provoquera une bouderie générale de plusieurs années

Si un leader européen (Tony Blair ?) prend néanmoins l’initiative de lancer un nouveau processus de révision du traité de Nice, sous la forme d’une convention ou d’une constituante, puis une ou plusieurs conférences inter-gouvernementales, il faudra encore attendre plusieurs années avant qu’un texte nouveau soit produit et signé par les 25 chefs d’Etat et de gouvernement (27 après le premier janvier 2007), puis deux années de ratification. Vers 2010-2012, voterons-nous Oui ou Non sur ce texte, qui prendra en compte les motivations divergentes des différents « Non » des différents pays ? Personne aujourd’hui n’en a la moindre idée

il est probable qu’une crise très forte secouera le Parti socialiste (les Verts y sont, quand à eux, plutôt habitués !)

La co-élaboration d’un programme pour 2007 deviendrait extrêmement difficile pour les Verts. Est-ce bien grave ? Pas tellement, si l’on considère qu’une telle hypothèse signifierait sans aucun doute, à droite, l’affaiblissement de Chirac, et la montée sur le pavois présidentiel de Nicolas Sarkozy, d’autant plus qu’il apparaîtrait comme le seul capable de contrer, à droite, les autres prétendants au trophée de la victoire du Non de droite : Le Pen et de Villiers.

il faut bien admettre que l’épuisement total du tandem Chirac – Raffarin ouvre plus clairement une voie royale à Nicolas Sarkozy qu’à François Hollande… Quant à Laurent Fabius, la haine qu’il aura suscitée dans son propre camp ne lui accorde pas un grand avenir politique, malgré le ralliement annoncé d’altermondialistes peu regardants sur le recyclage des huiles sociales-libérales.

l’expérience de la Grande-Bretagne montre que, même après un long tunnel sous Sarkozy, les risques de voir la gauche revenir au pouvoir (en 2012 ? en 2017 ?) autour d’un nouveau Blair ne sont pas négligeables…